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Open Innovation : une stratégie de développement payante pour les entreprises ? 

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L‘Open Innovation – ou « innovation ouverte » – est le fait pour les entreprises de partager des idées et de coopérer dans un but de progrès technique. Elle est souvent vantée comme une stratégie de développement rapide et efficace, à tel point qu’elle est encouragée par la Commission Européenne. Dans son rapport européen 2013 sur l’Open Innovation, la Commission parlait notamment de l’Open Innovation comme un terme « devenu synonyme d’un processus moderne, très dynamique et interactif » et constatait un changement « vers une approche plus opportuniste, audacieuse et orientée vers l’action ». 

Le principal avantage de l’Open Innovation pour les grandes entreprises est qu’elle leur permet de bénéficier du dynamisme et des avancées technologiques des start-ups et autres petites et moyennes entreprises (PME). En contrepartie, les PME – pour qui la trésorerie est souvent un problème – peuvent se voir allouer les fonds qui leur font cruellement défaut. 

Cependant, l’innovation ouverte suscite bien souvent certaines interrogations, tant du côté des PME que des grandes entreprises établies. 

Pour les PME, la crainte est toujours forte par rapport à l’éventualité d’un « pillage » de leur savoir-faire par les grandes entreprises, d’autant plus qu’elles n’ont souvent pas le personnel habilité pour contractualiser les relations d’affaires et/ou les fonds nécessaires pour être conseillées par des professionnels du Droit et de la Propriété Intellectuelle. 

Quant aux grandes entreprises, il leur est parfois difficile d’envisager que les innovations ne soient pas protégées par des titres de Propriété Intellectuelle, qui constituent des actifs immatériels à forte valeur économique. Ainsi, selon un rapport de l’OMPI de 2011, le montant total des licences de brevets est passé de 50 milliards de dollars en 1994 à 200 milliards en 2008 (sans compter les rachats d’entreprises opérés dans le but d’acquérir leurs brevets).1 

D’autres entrepreneurs comme Elon Musk – fondateur de Zip2, PayPal, Tesla Motors et SpaceX – ont une approche radicalement différente et prônent l’innovation ouverte. Ainsi, l’entrepreneur américain d’origine sud-africaine a décidé en 2014 de permettre une libre utilisation des brevets de Tesla, et s’est engagé à ne pas poursuivre en justice « ceux qui souhaitent utiliser, de bonne foi, ses technologies ».2 

Pour Elon Musk : « Si une entreprise dépend de ses brevets, c’est qu’elle n’innove pas ou alors qu’elle n’innove pas assez rapidement ». 

Dans ce cas précis, la stratégie d’ouverture des titres de Propriété Intellectuelle se justifie par la nécessité de développer le plus rapidement possible cette nouvelle branche technologique (les véhicules électriques) en invitant les autres constructeurs automobiles à participer à l’innovation. Si cette stratégie reçoit une réponse favorable de la concurrence, elle permettra de créer un plus grand marché des véhicules électriques (dont l’un des premiers bénéficiaires ne sera autre que… Tesla !).

Il ne faut pas s’y méprendre, l’approche radicale d’Elon Musk répond à un contexte particulier et n’est pas représentative de la réalité de chaque secteur. L’innovation ouverte n’est pas antinomique à la Propriété Intellectuelle. En effet, rien ne s’oppose à ce que la Propriété Intellectuelle soit intégrée à une stratégie d’innovation ouverte. 

Les contours du régime juridique de l’Open Innovation sont assez flous jusqu’à présent. Cela s’explique par le fait que ce concept, né en 2003 de la réflexion du professeur Henry Chesbrough, est avant tout une autre façon d’envisager la Recherche et Développement (R&D), en laissant ouvertes les questions économiques et juridiques

Pour le professeur d’innovation de l’Université de Berkeley : « L’innovation ouverte est un paradigme selon lequel les entreprises peuvent et doivent utiliser des idées externes ainsi que des idées internes et les chemins internes et externes vers le marché, tandis qu’elles cherchent à améliorer leurs technologies ». Il s’agit « d’innover avec des partenaires en partageant les risques et les bénéfices. »3 

Dans les faits, la plupart des relations d’Open Innovation sont encadrées par des licences dont la portée est définie en fonction des besoins (licence exclusive / non exclusive, licence conférant un simple droit d’usage, etc), et bien souvent aussi par des accords de confidentialité afin de protéger le savoir-faire non susceptible d’être couvert par un titre de Propriété Intellectuelle. 

La Propriété Intellectuelle vient ainsi accompagner le processus, le mouvement et la dynamique de l’innovation. Elle doit être un outil et non une fin en soi. Comme le disait un article de 2009 du MIT Sloan : « les problèmes se produisent lorsque la protection de la propriété intellectuelle est transformée d’un moyen de capturer la valeur de l’innovation en une fin en soi ».4 

Concrètement, il s’agit d’éviter que l’enregistrement d’un brevet par exemple – avec tout ce qu’il implique sur les plans économiques et financiers – induise un relâchement de l’entreprise titulaire du brevet au niveau de la R&D, et la dissuade de sortir de sa zone de confort. Car au final, un tel relâchement constituerait un frein pour l’innovation. 

Il s’agit également d’éviter que les brevets deviennent l’instrument d’une stratégie d’entrave au progrès. C’est le cas des patent trolls, qui ont notamment pour but de bloquer la concurrence, et par voie de conséquence les avancées technologiques. 

Bien conscient de l’inertie que peut induire la Propriété Intellectuelle utilisée à mauvais escient, Elon Musk considère que : « Le leadership technologique n’est pas défini par les brevets, l’histoire a montré à plusieurs reprises qu’ils ne représentaient qu’une faible protection face à un rival déterminé. Il est plutôt défini par la capacité d’une entreprise à attirer et à motiver les ingénieurs les plus talentueux. »5 

En effet, la propension d’une entreprise à être constamment la première à commercialiser des avancées technologiques peut minimiser le risque d’être copié par des concurrents sur certains marchés. C’est notamment le cas pour le marché de l’automobile électrique où, comme le dit le fondateur de Tesla : « Vous voulez innover tellement vite que vos précédents brevets deviennent caducs ». 

Toutefois, il serait faux d’affirmer que l’innovation ouverte est désormais le seul mode de développement, beaucoup de grandes entreprises continuant de capitaliser sur la R&D traditionnelle, qui s’appuie massivement sur les brevets, les dessins et modèles, et secrets de fabrication. 

Ainsi une société comme Apple a déposé une grande quantité de brevets pour protéger ses innovations au cours de ces dernières années et verrouille au maximum sa R&D. Il suffit de voir l’ampleur de la guerre des brevets et des titres de dessins et modèles6 à laquelle s’est livrée Apple contre Samsung pour comprendre l’importance de la Propriété Intellectuelle pour la firme californienne. 

En résumé, l’opportunité pour une entreprise de recourir à l’Open Innovation dépend de multiples facteurs, et particulièrement des caractéristiques du marché en présence. Il s’agit d’une stratégie de R&D basée sur la collaboration et l’émulation qui, si elle s’appuie efficacement sur les droits de Propriété Intellectuelle, peut allier la protection juridique au dynamisme de l’innovation technologique. 

_________________

1 Idexlab.com, L’innovation ouverte et la propriété intellectuelle: contradiction ou complémentarité, 05/05/2014
2 Siliconvalley.blog.lemonde.fr, Jérôme Marin, Le plaidoyer anti-brevets d’Elon Musk, le patron de Tesla, 13/06/2014
3 Henry Chesbrough, Open Innovation: The new imperative for creating and profiting from technology, 2003
4 Supra note 1
5 Supra note 2
6 Laure Marino, Apple c/ Samsung aux États-Unis : coins arrondis et pommes de discorde, Propriété industrielle n° 9, sept. 2015, comm. 61


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